Archive numérique de la collection Gaignières (1642-1715)

Texte

[Lettre de Pierre de Saint-Louis, feuillant, à Gaignières, 28 août 1687]

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Cote ou no d'inventaire
Folio
329
Numéro de l'item (1711) incluant le texte
Texte identifié
[Lettre de Pierre de Saint-Louis, feuillant, à Gaignières, 28 août 1687]
Nature(s) du texte
Lieu(x) et Période de production
Destinataire du document (courrier)
Lieu(x) de réception
Matériau, Technique
Papier
Statut du document
Original
Objet traité
Période traitée
Source du document numérisé
Transcription
Monsieur,

Que notre raison est foible dans le plaisir et qu'elle prévoit mal ses intérêts dans la joye! Dès la première fois que j'eus le bonheur de vous parler, je fus si charmé de vos manières honêtes et spiritueles, votre esprit me parut si délicat et si bien fait et je crus voir dans votre âme des inclinations si nobles et si bienfaisantes que je vous abandonai sans réserve toute mon estime et toute mon amitié sans songer, Monsieur, combien ce plaisir de quelques momens me devoit coûter cher, que je ne devois goûter que deux ou trois petites fois de la douceur de votre conversation et que je devois retourner à Florence où je ne trouve rien qui vous ressemble et où l'idée que j'y ai emportée de voter mérite m'ôte tout le goût de ce qui m'y plaisoit autrefois. Je sçais que de vous oublier ce seroit un secret pour retrouver ici toutes ces douceurs que vous m'y avés fait perdre mais bien loin d'y tâcher, j'ay mille inventions pour m'y souvenir de vous. J'aime cent fois mieux me répéter ce que vous m'avez dit à Paris que d'entendre tout ce qu'on me pourroit dire ici et l'imagination dont je me flate de vous avoir inspiré quelque peu d'estime et de bonté pour moy me consoleroit de reste de tout ce que vous conserverez toujours ces premiers sentimens où je crois vous avoir laissé. Vous devinez sans doute, Monsieur, d'où me vient cette inquiétude. Tous vos amis ne se trouvent pas les miens, et j'ai sujet de craindre sur les avis que je reçois de Paris que quelques uns de ces amis cherchent à vous faire perdre vos bonnes dispositions pour moy, d'autant plus que je reconois ne les avoir méritées ni par mes services, ni mes bonnes qualités et que je les dois purement, comme on dit, à mon étoile et à ma bonne fortune. Rien ne me rassure que le caractère de votre cœur et de votre esprit. Je crois avoir connu le premier assés vaste pour conserver sans embarras des amis qui ne le seroient pas entr'eux, et le second assés juste pour juger par le peu que vous m'avez veu que toutes les bonnes qualités qu'on me donne ne me conviennent pas tout à fait, que si la religion m'eut cru tel qu'ils me font à présent, elle m'eut jamais donné à ces princes que je sers depuis tant d'années sans reproche. Je vous prie seulement, Monsieur, de comparer la manière dont on vous parloit de moy avant notre chapitre et celle dont on vous en a pu parler depuis. Vous devinerez bientost la raison de cette différence et la conjoncture vous rendront les accusations naturelement suspectes. Je vous avoue néantmoins que ma conduite a une apparence fort odieuse surtout pour vous autres séculiers qui ne nous voïez que par l'écorce mais vous avés trop de raison, Monsieur, pour douter qu'il n'y ait des circonstances dans la religion où ces éclats sont justes et nécessaires. Je vous conjure de croire que je me suis trouvé dans celles-là. Ce seroit un ennuy pour vous et une indiscrétion à moy de vous le prouver. Il me suffit de vous assurer que je me suis engagé dans cette afaire avec une répugnance extrême dans une intention très pure, sans passion et sans ressentiment après avoir bien prié Dieu et pris conseil des plus éclairez et des plus pieux docteurs de Paris. J'ay une grande confusion, Monsieur, de vous entretenir de tant de pauvretés pour la première fois que j'ay l'honeur de vous écrire mais il faut mais il faut que vous me pardoniés cela à la juste apréhension que j'ay de perdre votre amitié et l'estime de mademoiselle de Guise que j'estime plus que ma vie et mon propre honeur et que je vous supplie de me vouloir conserver si j'étois assés malheureux pour le perdre. Je ne vois que Dieu capable de m'en consoler aussi bien, seroit-ce pour sa gloire que je l'aurois perdue mais quand son altesse et vous-même changeriés pour moy, je vous promets de ne jamais changer ni pour elle ni pour vous à qui je serai toute ma vie avec une estime et une tendresse sincère, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

f. Pierre de Saint-Louis, religieux feuillant

A Florence, le 28 aoust 1687
Remarques
Le brouillon de la réponse de Gaignières, daté du 30 novembre 1687, se trouve dans le manuscrit français 24987 de la BnF (fol. 152).

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